Ultrarunner, aventure intérieure

... au bout de soi-même! sité dédié à la course de 6 jours !

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Ultrarunner Entrainement mental mental Second extrait du livre sur l'expérience 6 jours: "Mental"

Second extrait du livre sur l'expérience 6 jours: "Mental"

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second extrait du livre "Mental" d'Olivier Pastorelli sur l'expérience 6 jours:

pages 14,15,16

"...L’écriture volante
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Proust, La Recherche du Temps Perdu

L’envie d’écrire vient à son heure. Accompagnée de son cortège de ressentis, elle est révélatrice des personnalités, comme une sorte de synthèse définitivement non-neutre, qui prend parti, donc qui se risque à l’écriture, et qui veut s’imposer comme trace dans le sable. Nulle nécessité d’être relue par les principaux protagonistes : elle n’aspire point à la vérité, mais vise incommensurable cible de l’objectivité. Ecrire sur un tel sujet projeté mérite d’écrire à l’écart, « dans le dos » des coureurs non pour leur faire un rejeton, mais un livre plein de dignité, de celle qui confine à l’égoïsme, ceci afin de ne pas éviter leur dérangement, en leur donnant la surprise discordante de ne pas forcèment répondre à leur attente de livre normé. Le récit possède sa propre horloge, chronologiquement ordonnée à sa venue stupéfiante, tout comme les coureurs nous laissent éprouver leur score en distance sur les six jours à la mesure de leur forme fluctuante et chancelante. Tout comme leur exploit, la rédaction, prenant pour prétexte un compte-rendu d’aventure, se veut incertaine, tellurique, dérangeante, du moins c’est l’effet voulu en production.
Mettre une distance radicale dans le temps d’avec

l’événement me semble plus que nécessaire pour laisser venir les réflexions post-opératoires, et dérivées de cette folie projectale organisée, tant nous ne savons pas où elle se projette ni d’où elle pro-vient. Inutile de répondre aux questions trop sensibles ayant attrait au pourquoi du destin, du lieu, de la nature, plutôt remuer la plume dans la plaie comme l’avait pensé Albert Londres.
Penser ce livre, m’a d’ailleurs nécessité plusieurs fois le rappel de la compagnie de PMM par divers canaux de communication dont le plus efficace n’est pas celui que l’on associe d’emblée à la technique. La communauté de pensée est par exemple bien plus prolifique. Il m’a tenu informé et enseigné quelques évolutions à la suite de la suite – il a joué le rôle d’un brasseur événementiel, et surtout de facilitateur d’une dynamique pour coucher sur traitement-de-texte la projection d’une réalité enfouie à bien des égards dans nos imaginaires. A cet égard, je prendrai mon imaginaire pour nos imaginaires, ceux de mes compagnons de cordée, une équipée aux côtés des deux coureurs, tant les consciences réunies sont pervasives sans se donner dans l’intrusion. Trop facile de se considérer seul dans son propre moi, s’imaginant unique dans son tracé du vécu. Il y a eu communauté de pensée, c’est-à-dire plus que ce qu’un récit unilatéral aurait dit ou aurait « été dit ». C’est pourquoi je prendrai le pronom « nous » pour valeur objective du groupe, chargé d’une responsabilité à double tranchant, où le « je » relate un parcours sur l’appui du « nous », même si le relaté n’est pas véridique. Souvent le « nous » voudra dire « je », et parfois le « je » « nous » fera mal, étant partie prenante et conscient du fait de ne pouvoir réduire l’irréductibilité propre à chacun ou à l’inverse d’étendre une parole pour un collectif : cette parole ne fera donc que se prêter au jeu du « nous », et se prendre pour réfutable à tout instant.

Trop facile de s’imaginer que nous rêvions les yeux ouverts, trop aisé de se penser à la recherche d’un au-delà de l’effort et de la douleur, trop simpliste de supposer un dépassement de la machine humaine, tant la veille-réelle nous rappelle à nos bons souvenirs du présent. Les deux acteurs s’arnachent tels des cosmonautes supra-luminiques pour leur voyage extraordinaire dans les limites de cent quarante-quatre heures et dans leur réalité, mais restent rivés à leur condition de bestioles réelles plaquées sur la terre tels des espèces de hamsters tournant à l’intérieur de leur roue dentée.
A ce propos, leur réalité éprouvée est bien différente de la nôtre. A ce titre, La réalité est différente du réel. Il existe « multitude de réalités », pourtant le réel a beau être un, il n’en est que consubstantiellement changeant, sous quelque aspect que nous le regardions, et ce même après-coup, dans l’arrêt sur une image, nous l’apercevons constamment sous divers reflets si bien que nous ne pouvons dans l’idéal en avoir une vision arrêtée-et-vérifiable, même si nous nous mettons d’accord pour nous en « accorder » ensemble sur le moment : c’est tout ce que nous avons de non-falsifiable. Nous sommes heureusement d’accord sur le réel, mais sommes tiraillés par sa vérifiabilité, comme si en rétro-jetant à nouveau un autre coup d’oeil sur celui-ci déjà advenu, nous n’y voyons pas poindre d’autres détails non aperçus et formidablement nouveaux. Malgré que le réel apparaisse comme donné, fait total en soi, il se donne pour constamment changeant, force stupéfiante de modification.
Nous ne pouvons nous en donner un et nous nous inclinons devant le réel. Il est aperçu par notre perception commune, mais n’en est pas le produit. Libre à nous de savoir l’accueillir. Tout le contraire de la réalité, qui se dit « en réalité » dans les termes, quand nous avons besoin de préciser ou reformuler ce qui ne paraissait pas clair chez nos interlocuteurs.
Le réel s’oppose au virtuel, tandis qu’il peut y avoir des réalités virtuelles. La réalité est une puissance en marche. Il n’eût point été possible de courir six jours sur tapis avant que PMM et Phil ne l’aient fait ou plutôt tant qu’ils ne l’eurent point encore fait à Antibes, tant que cela n’aurait point été réalisé. Avant Antibes, ce n’était tout simplement pas possible, mais virtuellement en acte. Et pourtant ils l’ont fait. C’est pourquoi à Artaix, lieu de leur deuxième expérience, nous pouvions parler de réalisation « tout à fait possible » et ainsi aborder l’expérience sous le coup d’une « rupture épistémologique » majeure.
Nous expérimentions lors du séjour artésien sur le tapis un changement de paradigme dans le sens où nous savions que le réel pouvait comporter ce genre d’exploit. Dans une représentation a posteriori, nous pouvions alors forger des réalités en amont qui ressembleraient au réel à advenir.
Ce partage d’expérience sur tapis vient à nous rappeler que bien que le réel soit un, à prendre ou accepter, nous ne pouvons que le goûter comme un gâteau sec. La sécheresse du réel n’en est que plus amère dans son cachet, bien moins plaisant que nos réalités.
Chacun de nous échafaude une multitude de réalités sans pour autant que toutes soient viables ; mais une seule nous suffirait pour amorcer ou prolonger le réel.
« Si la réalité venait à frapper nos sens, l’art nous serait inutile » dit Bergson. Ces deux coureurs façonnent avec leurs pieds et leur machine tournante, un art qui dilue notre expérience du temps. Nous aurions pu la dissimuler et la laisser latente indéfiniment, pour nous en servir à dessein quelques autres fois, quand nous nous sentirions en difficulté afin de rebondir et d’aller chercher une dynamique positive ; nous en avons fait une version romancée destinée à être partagée et expliquée, mais pas forcèment comprise, pour d’autres coureurs, sportifs et surtout rêveurs ou aspirants à l’action. Cela peut ainsi sembler contradictoire de vouloir nous adresser aux contemplatifs et aux pragmatiques, et c’est pourtant ce dont cette aventure prend pour objet mixte : la mobilisation de l’énergie de la theoria à visée pratique, investie dans la praxis, sur la rotule fusionnelle du corps et de l’esprit. Le corps possède sa propre intelligence et l’esprit sa propre sensibilité.
Cette aventure recèle le dosage à bon escient de ces deux éléments théorie et pratique dont il nous faut croiser de plus un autre axe : celui de l’abstraction et de la concrétude. Ceci nous donne quatre associations, accentuations ou tonalités possibles. En effet, nous pouvons tout aussi bien avoir des discours abstraits et pratiques que des chemins concrets et théoriques. Le concret ne signifie pas « non dispensé » du qualificatif de théorique. Une méprise serait donc de voir l’aventure de PMM comme exclusivement concrète à visée uniquement pratique. Eh bien non ! Elle est dans une large mesure aussi théorique ; tout comme elle se veut, dans une autre modalité, pratique en même temps qu’abstraite. Certains records, qui résonnent planétairement, peuvent prétendre à l’unidimensionalité de fait de leur praticité, essentiellement économique et retentissante. Le record, ici profilé, conjoindra par définition dans sa finalité des dimensions réflexives, ne pouvant se réduire à une compréhension globale, même si nous ferons oeuvre de didactisme.
Ici, les dimensions créatives, oniriques, idéal-typiques et qui creusent notre matière cérébrale pétrie de représentations aux bords bien ronds, nous enseignent qu’il faut aller chercher plus avant que les simples faits. Nous favorisons la construction de substrats machiniques sous-jacents à cette entreprise, susceptibles moins d’influer que d’entretenir un déséquilibre vers l’avant, a-normal vis-àvis de schèmes logiques éprouvés et majoritaires. Identiquement, la mise en place de tournures conceptuelles, plus créatives qu’émancipatives maintient la capacité de reprise d’une linguistique paradoxale et performative où il faut suer pour pouvoir dire se l’avoir appropriée. Car en effet, tout le monde ne peut pas dire : « je parle comme si mon possible pouvait advenir ». Des barrière de toutes sortes s’érigent et placent sur la route du bon-émancipé des systèmes de refus et de déni. Là encore, le problème n’est pas l’émancipation de notre volonté non entravée et cette « implémentation » chère à nos amis anglo-américains. Le début de solution-résolue, à demi voulue, se situe dans la reprise systèmatique des énoncés sensés, pris et acquis comme monnaie d’échange courante et cependant immobilisatrice, pour les transporter à l’intérieur d’une logique d’acteurs systémique, qui requiert notre système de pensée à plein régime. Et tant pis, si l’on échoue !
Avec PMM, nous nous autorisons déjà la liberté de pouvoir nous exprimer sans entraves, ainsi que la liberté de l’agir valable puisque responsable : à tout le moins, il faut tenter. Le résultat du coup réalisé importe peu. Même s’il ne passe pas loin, nous l’entendons siffler ; ou plutôt, nous entendons tout du long les tapis couiner et « souffler » sous les assauts répétés de pieds qui feignent de s’y perdent, en trouvant dans l’avancée leur lignée. Le coup se matérialise en record de quelques huit cent kilomètres autant déroulés que parcourus sur une mince bande de caoutchouc. Son implantation dans notre esprit, préparé aux ouvertures et favorable à un accomplissement possible, incarne déjà le coup gagnant. Même si PMM et Phil avaient échoué dans leur première tentative à Antibes, ils auraient d’une certaine manière réussi la fois suivante. Donc, ils avaient déjà réussi d’entre toutes les fois possibles et de toute éternité. Non pas que nous voulons dire que « c’était écrit », mais que la réalisation parachève un entendement au départ très bien compris. Le record n’est qu’une cerise sur l’autel des préparatifs, à l’aune du mécano-homme construit de toutes pièces, usiné et outillé « avec une visée de » l’idéal. « Le commencement est la moitié du tout » nous enseigne Aristote. « Y penser » revient à réaliser, encore dussions-nous y penser véritablement, avec la copule ‘y’ : y penser à y penser. L’autre moitié est de s’y mettre. Ne pas dire de « se mettre à la tache », mais s’y mettre de tout son être, en y engageant son être sis sur « l’y pensé ». « S’y mettre » engage à se placer en condition pour rejoindre le re-commencement.
Avec PMM-Mica-Phil dans ma proximité durant les six jours, je peux dire que je me couche tel un Don Quichotte – téméraire, rationnel, émerveillé et ouvert sur l’inconnu, et prêt à l’impossible - et me réveille comme un Sancho Pança – raisonnable, méfiant et négateur des folies, un Sancho sans le sang chaud, en quète de réchauffement, ou à tout le moins, d’échauffement, qui se dit qu’il doit se réalimenter à la source du rêve."......

 

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