Ultrarunner, aventure intérieure

... au bout de soi-même! sité dédié à la course de 6 jours !

  • Augmenter la taille
  • Taille par défaut
  • Diminuer la taille
Ultrarunner Entrainement mental mental Préparation mentale: 4ème échange avec Olivier Pastorelli

Préparation mentale: 4ème échange avec Olivier Pastorelli

Envoyer Imprimer PDF
Note des utilisateurs: / 0
MauvaisTrès bien 

Olivier Pastorelli mène dans le cadre du suivi psychologique en tant qu'étudiant en psy du travail, de la préparation du record 6jours 2011 sur tapis de course à Antibes, une série d'observations dont il nous relate les impressions dans les correspondances qu'il nous adresse. Olivier est membre du team qui me suivra tout au long de ce périple.Lien vers la correspondance précédente

C'est toujours un plaisir de parler avec les gens qui font PSY car le truc c'est qu'ils m'aident à me mettre le cerveau en 3D encore plus vite qu'à l'habitude :-)
Bien au delà du cliché réducteur qui pourrait laisser à penser qu'on se triture les méninges ou qu'on intellectualise... il y une dimension de fond qu'il faut aller chercher ou accueillir au choix dans ce qui est écrit ci-dessous.

Respect Monsieur Olivier et merci pour ta disponibilité, ta gentillesse, et cet intérêt que tu manifestes dans ta simplicité à t'émerveiller et recevoir les choses avec  une modestie qui dénote tout ton humanisme!

Place à ta correspondance ci-dessous:


2ème rencontre informelle au Quick : Jeudi 20 JANV

Celle-là a lieu dans le Paris de St Lazare froid et hivernal où tous pressent le pas dans une frénésie sans nom. Je commence à réprouver cette ville pas tentaculaire du tout, ni compensatrice des élans culturels, ni même développante ;

elle semble faire tourner en rond, dans l’antithèse la plus aboutie de la développante de la cycloïde, provoquant un écrasement du prochain contre son autre sans qu’aucun ne se voie ou ne soit parvenu à s’identifier : manque d’espace, donc manque de temps ! Dans ma boîte, des gens se promènent avec des tee-shirts : « ceci est mon clone », surement typique d’une industrialité naissante de l’individu ou de leur rencontre enfin réalisée : j’ai enfin trouvé le moi que je réclamais et je me suis effondré sur celui-ci. Je préfère à l’inverse le côté industrieux d’Ulysse, que l’on a plus sûrement perdu dans le ciel hellène.
Nous effectuons notre deuxième meeting serré (ou dîner-débat) ; bien que ce soit Mika qui entretienne plus la conversation ; comme ses objectifs de longue durée, il me semblerait pouvoir parler à foison de son sujet et des sujets connexes. Nous avons décidé de nous rencontrer au moins une fois par semaine au cours d’un entraînement running ou détente informelle pour libérer les synapses.
Un dîner Bacon/Fish nous accompagne à moins que l’inverse ne se produise ; la discussion s’embarque sur les aspects physiques, métaphysiques et surtout physiologiques de la préparation ; ma curiosité m’entraîne sur la technique de la course à pied car malgré tout, il va falloir s’y coller, courir pour la timbale ; Mika maîtrise cette partie technique, fastidieuse car inamovible avec son entraîneur JPG, qui d’ailleurs est un professionnel-phénomène du physique et du matériau attaché à son développement ; ses idées sont toutes aussi droites et fermes que sa foulée coulée, et souple. Mais il sait bien que les performances associées à des performances ne tiennent pas à ce facteur prémissiel ou pré-conditionnel. Cette condition de possibilité nous cache l’enjeu majeur de l’enterprise : jouer avec son psychique ;
Je crois que nous tombons d’aplomb sur les versants plaisir et jeu dans l’aventure. En fait, le plaisir risque bien souvent de ne jamais transparaître trop ouvertement, même dans les entraînements. Qui peut prétendre que le plaisir soit une vertu émergente de la répétition ? Qui dans son activité professionnelle, présente ce côté éhonté de pouvoir énoncer sa loi personnelle selon laquelle, ses tâches quotidiennes et répétitives le remplissent de bonheur ? Il ne dit pas tout : il y a du jeu dans cette activité qui ne dit pas, non plus, tout son nom ; et le jeu consiste à y incorporer du soin ; le soin que l’on prend à réaliser toute chose, le soin mis pour parer les impossibilités ; ce zèle pragmatique mis en jeu pour soigner sa relation à l’activité ou au travail et ses relations surtout avec ses collègues ou mieux son collectif de travail.
Le plaisir a beau régresser dans le retour du même à mesure de sa disparition, il n’en demeure pas moins rare ; il se préserve et s’éprouve comme une pépite à mesure que l’on endure l’identique ou les ‘affaires courantes’ pour faire un raccourci.
JPG appelle même pour connaître les intentions de son poulain sur le portable ; c’est un gros avantage pour Mika, qui ce soir, après quelques journées en continu et des entraînements qui commencent sur le mode « allegro ma non troppo » puis se poursuivront crescendo, Mika, donc, tombe de fatigue et pas de sommeil ; c’est déjà un entraînement pour lui qui veut ne dormir que le strict minimum. « strict minimum » à revoir car encore très mal cerné ou conditionné par l’enracinement dans le modus operandi de l’actualité moderne.
JPG aide Mika d’une manière simplissime à se défaire d’une partie de la pression ; d’ailleurs, nous l’aidons tous dans notre groupe-en-formation à se défaire des aléas et autres intempéries qui jalonneront sa montée en puissance ; si nous espérons en récolter des fruits mûrs pour notre propre récolte ? Honnêtement, nous sommes embarqués et cela nous contente. Nous sommes des apprentis de l’exploit ; pour nous, participer de plain-pied au record, nous permet de sublimer une partie de nos déconvenues relatives à nos activités. Nous nous heurtons aussi à la non-possibilité de faire professionnellement, au fait de réfréner nos idéaux. L’exutoire serait-il tout trouvé ? Pas si simple ; je ne pense pas considérer comme porte de sortie, le fait de soutenir un athlète ; le lien n’intervient pas par pure providence ; il faut de l’écoute intérieure pour se décider à écrire et relater de tels faits, je dirai même un
biais intérieur relativiste spécial ; toujours dans le plus pur esprit de la relativité (mais pas relatif), d’autres considéreront ces évolutions comme superfétatoires ou relativement mineures vis-à-vis d’une carrière professionnelle menée de haut-vol, ou une vie familiale épanouie.
Qu’importe : le mode majeur de l’existence, c’est d’apprendre à penser ; cela peut advenir par soi-même ou par les autres ou à travers ses rêves non établis ; en somme, il nous faut un recul tel que la détente libère suffisamment de jeu pour opérer une transformation ;
Mika avance avec la relation qui l’aide à évacuer la pression ; en contrepartie, il donne beaucoup d’attention et de soin à cette relation, ce qui fait que tout interlocuteur percute en plein dedans, reste fasciné et à vrai dire éberlué par le personnage.  
Mika me parle de chrysalide et de papillon en formation ; comme Zhuang Zi ne sait s’il rêve qu’il est papillon, ou si le papillon rêve qu’il est lui, qu’allons-nous retrouver de nous à l’issue du dialogue ? Des miettes sous forme de copeaux ou de sciure ? Le discours dans le cadre du démocratisme n’arrête pas de processer, de dissoudre, et laisse des fragments à réinterpréter ; peu de monde achoppe sur une vision définitive ; tout reste en suspend ; ou en suspension dans le medium du Quick, cette sorte de temple métaphorique de la modernité adjacente. Me vient à l’esprit l’illustration de la réunion DP du jour dans ma boîte où, parmi dix personnes, nous arrivons à créer quatre groupes de discussion complètement improbables consacrés à juger chacun comment des entretiens annuels pourraient se mener de concert et en bonne entente avec une négociation salariale, n’en faisant pas partie au départ ; passionnant comme
faculté de dissoudre l’intérêt pour un sujet, d’où il ne reste plus que le bruit de fond de vagues.
Avec Mika, nous (notre groupe) espérons ne pas produire ce genre de sciure là ! irrattrapable pour espérer un tant soit peu former une constellation, un amas compact, un système planétaire ; Il nous faut réaliser le point de contention de ces miettes de thon pour sortir l’histoire transcendantale du sceau, ou nos histoires telles réunies dans ce faisceau. Nous avons beau être des singes un peu plus intelligents ou équipés, je préfère la métaphore du thon, filant entre deux eaux. Le point de concrétion réunit des histoires de vie, des projets sur lesquels on pourra élaborer.
Mika insiste sur cette capacité à jongler sur plusieures activités : les difficultés rencontrées sur le terrain professionnel, forge son mental en vue de l’épreuve à venir ; pouvoir se raccrocher aux accrocs évite de tomber dans les errements quotidiens ; Mika ne peut s’enferrer dans la butée appréciable et facilitante des problèmes adjacents ; ils les transforme en forces et en opportunités pour s’entraîner, en faire cette préparation mentale indéniable et formatrice de son aventure future des 6 jours sur tapis.  
Par rapport à d’autres modes de préparation axés sur la technicité, il s’auto-conditionne et alimente lui-même sa propre base de connaissance, jamais en reste de nouvelles porteuses, baladeuses ; il trace son sillon et forme l’équipe qui va l’accompagner ou le tirer.
Les ressources de notre développement se trouvent disséminés dans les chemins que nous empruntons ; il ne reste qu’à les ramasser si l’on veut bien ; se donner l’effort de faire le geste que l’on croit superflu et inutile ; non pas pour s’épargner les futurs gestes compensatoires qui viendront pallier ce manque du premier abord, mais pour s’ouvrir des perspectives « intéressantes » au premier degré de notre existence ;

Nous avons beau discuter sur l’aspect de la foulée opératoire : en réalité, on se moque de la foulée ; qu’importe celle-ci, le facteur critique est le manque de sommeil ; une foulée est bien sûr adaptée à une vitesse ; qui aurait osé imaginer (car le penser c’est autre chose), dans un passé récent, courir un marathon à 20km/h ? Idem pour les 6 jours : qui oserait dépasser les 1200kms ? et malheureusement la question se formule de cette manière, car elle nous renvoie à nos propres peurs et déterminismes ; non pas qu’il faille éliminer tous ceux-ci, mais ils sont une coque bien pratique pour nous incliner le désir et faire plier la volonté vers la servitude voulue plus que volontaire : personne ne se proclame serf de lui-même, mais seulement si on lui demande.
Sur les 6 jours, une condition supplémentaire de souplesse opératoire est requise dans cette foulée ; mais le facteur-clef réside dans l’envie de sommeil et la souplesse de pouvoir y résister ;
Les apnéistes résistent à leur dette oxygénée ; Mika devra résister à sa carence de repos ;
Qu’est-ce que le repos : ne rien faire de manière oisive et sans remord ? Il faut analyser et passer en revue les trois états de la matière humaine : la veille, le sommeil, l’hyponose ; ce troisième état condense le repos salvateur ; courir reviendrait à se sauver et se reposer dans le même temps. Dur d’y croire, car le corps donne son énergie qui est limitée, ce qui paraît antithétique au repos.

Courir, c’est aussi se défaire et se refaire du même coup dans une nouvelle peau, un corps parfait au sens psychologique ; et oui, le corps ne se donne pas réellement sous une belle lumière, nous avons besoin d’une autre latitude sous laquelle explorer et juger la qualité d’un corps ; un corps dynamique, aiguisé ? sur les longues distances, cela ne vaut que pour les premières heures de course, par la suite, nous assistons à une lente dégradation de la foulée, de l’organisme qui souffle et respire amplement, des cellules qui explosent sous le choc répété des agressions dynamiques de la pression tellurique (action-réaction) ; le corps se défait selon un processus irréversible ; mais comme l’univers sous la voûte duquel nous observons l’expansion, nous pourrions bien être sous l’emprise de l’illusion la plus opérante ; celui-là, mis en avant par l’élan initial, pourrait ne s’étendre plus en avant, et bien que «
s’expansant », son expansion n’en aurait plus pour bien longtemps ; quelle est la structure spatiale d’un corps dynamiquement stressé ? Notre éternelle interrogation sera de l’ordre de « que peut un corps » mis à l’arrêt de se reposer ?
Un corps peut-il s’étendre à volonté, toujours mettre plus de monde dans sa foulée-dynamique ou arrêter sa folle progression englobante pour se rassurer de sa propre finitude ?
Au fur et à mesure de l’épreuve, le corps se déforme sous l’effet de sa propre gravité, c’est-à-dire de la quantité de sérieux embarqué, et qui le retient au monde de la norme. Ce corps a pour vocation de s’in-former de sa forme finalement révélée à travers la dureté au mal et aux événements, à savoir vais-je m’effondrer, ou au contraire pouvoir rester viable durant cette épreuve ? Il y a infléchissement de la courbe de régression de la fonction motrice corporelle, pour trouver cette asymptote non équilibrée. Les 6 jours produisent ce genre d’épiphanie auto-proclamée qui dirige comme sur des rails, et dans le mode mystérieux de sa venue au monde, l’individu qui ose poser la question : que peut mon corps ? Il faut tester ! Dit brièvement, Mika est un testeur universel ; autrement dit, il fait son métier de chercheur, il cherche pour les autres.

 


 

Partenaires

Liens commerciaux


Partager cette page sur facebook

Articles relatifs